Il flaire la nature. Il la contemple dans son aspect sauvage. Il la dissèque pour la toiletter des salissures que lui confèrent les actions humaines. Boris Abbas Toffa alias Prince Toffa s’emploie à donner une vie nouvelle aux déchets de diverses matières.
Il a des doigts qui créent du beau. Dans sa tête fulmine des signes, des traits, des figures géométriques, des schémas... Dans sa tête, fulmine des idées à n’en point finir.
L’amour de Prince Toffa pour la nature est sans mesure conforme avec un penchant exceptionnel pour les matières plastiques, les canettes de boisson et la ferraille. Son exposition dans les Ateliers Coffi à Cotonou en est une démonstration.
Dans cette galerie d’art, Prince Toffa présente des œuvres en duo avec l’artiste Mazoclet. L’exposition est dénommée Africa Dokpo. Ce qui voudrait signifier littéralement en français une seule Afrique.
L’exposition tutoie la nature humaine, le rapport de l’Africain avec lui-même, avec son environnement. Prince Toffa découpe des objets solides en rondelle et sous diverses autres formes géométriques pour questionner l’histoire mais aussi avertir du danger que constitue pour l’Afrique, la destruction de la nature.
Il essaie ainsi de coudre les déchirures de l’environnement de l’être humain mu par la folie des grandeurs sans aucun souci pour l’autodestruction qu’il se crée.
Prince Toffa essaie de recoller les brèches comme un couturier qui fait des coupes, les associes à la machine, de fil en aiguille pour que jaillisse l’esthétique.
Il se décrit ainsi ce jeune artiste qui se déploie sur le terrain depuis une dizaine d’années après une enfance malheureuse et une vie de débrouillard telle une jungle dans laquelle il faut survivre quoi que cela coûte.
Dans cette exposition collective, Prince Toffa se distingue, entre autres, par une géante robe, une performance qu’il a titrée Awla Sika (dieu de l’or). Sika est une sculpture de femme vêtue d’une large robe qui balaie la terre, la tête tressée de longues nattes de fer avec une écharpe à la circonférence de la tête.
Cousue avec des sacs en plastique de divers grammages qu’il a façonnés autrement pour en faire du textile coloré et très esthétique, l’œuvre exprime le libertinage de la jeune femme africaine qui, assoiffée d’émancipation, échoue dans des travers comme le peint l’écrivain sénégalais Abdoulaye Sadji à travers le personnage Maïmouna dans son roman qui porte le même nom. Ce que l’artiste musicien béninois Bluecky d’Almeida reprend dans son titre à succès Chic, chèque, choque.
Au-delà de cette thématique qu’exprime Awla Sika, c’est une robe qui peut être portée par n’importe quel mannequin professionnel pour défiler. Si ce n’est pas l’extravagance que véhicule la coiffure de l’œuvre, on l’aurait confondu à une robe de mariage.
L’œuvre de Prince Toffa prouve à suffisance qu’il est habité par l’art. Il dompte la matière et la façonne comme un dresseur émérite dompte un grand félin dans la savane.
Prince Toffa est un fin performeur doublé de ses talents prouvés d’artiste peintre et sculpteur axée sur le recyclage. C’est sa tasse de thé ayant appris la couture par le passé et côtoyé des plasticiens plus anciens comme Charly d’Almeida et Dominique Zinkpè.
Sans utiliser les mêmes matériaux que d’autres, le style de performance du jeune artiste se rapproche fort bien de celui du styliste et performeur ivoirien Kamissoko Ibrahim.
Au Marché des arts du spectacle d’Abidjan en mars 2022, ce dernier a présenté une robe de grande taille dénommée Jocker, un assemblage artistique de deux mille sept cent cinquante-quatre (2754) cartes de jeux. Dans cette même démarche, le styliste performeur a créé une autre robe avec trente-deux (32) grises de ventilateurs.
Somme toute, le travail du plasticien béninois Prince Toffa, est une ode aux bonnes mœurs. Mais au-delà, un appel au vivre-ensemble, à la prise de conscience collective pour la prospérité de l’Afrique.
Fortuné SOSSA