« La carte n’est pas le territoire. » C’est le titre que Valérie Oka, artiste franco-ivoirienne, a donné à son œuvre. Une installation de photos-portraits présentée à la biennale de l’art africain contemporain de Dakar (Dak’Art) 2018 dans la catégorie Off.
Fortuné SOSSA
Revendication ? Contestation ? Dénonciation ? Le titre de l’œuvre de Valérie Oka prête à divers questionnements. « La carte n’est pas le territoire. » Pourquoi donc ? Difficile d’y répondre sur un coup de tête. Il faut parcourir l’œuvre, communiquer avec chaque photo, voyager dans les tréfonds de chaque pièce pour en tirer la substantifique moelle.
Cette exposition photographique de l’artiste fait découvrir des personnalités noires connues pour la plupart. Des hommes et femmes politiques, des révolutionnaires, des artistes, des sportifs… de grands panafricanistes qui ont marqué le continent et le monde. Martin Luther King, Nelson Mandela, Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët Boigny, Bob Marley, Myriam Makeba, James Ovens, Mohamed Ali, la liste est bien longue.
Valérie Oka a choisi de présenter le portrait de chacune de ces personnalités, de façon singulière, pour revendiquer un nouveau récit de l’histoire africaine. Son œuvre évolue comme un livre ouvert dans lequel chaque visiteur vient puiser la vérité de l’histoire. Ici, point de Gaulois ancêtre de l’Africain. Ici, point de trace d’une Afrique sous-intelligente, attardée. De la matrice de l’Afrique sont nés de grands hommes, des héros qui ont contribué au développement et à la pacification du monde. Et ces héros noirs sont aussi bien en Afrique qu’en Amérique, Europe et ailleurs. D’où l’approche du titre de l’œuvre : « La carte n’est pas le territoire. »
La carte ne saurait d’ailleurs être le territoire. La conférence de Berlin qui a abouti au partage de l’Afrique a-t-elle tenu compte des réalités socioculturelles du peuple africain ? La déportation des bras valides du continent répondait-elle à une logique d’enrichissement de l’Afrique ? Autant d’interrogations dont les réponses limitent la notion de la fiabilité de la carte. Le territoire est physique et dépassent les limites qu’on lui donne. Le territoire est physique mais la carte virtuelle. Et le virtuel apparait ici, en trame de fond, dans le travail artistique de l’artiste.
L’initiative de cette création est partie de la recherche sur internet des photos. Un travail minutieux qui a abouti à un choix très sélectif. Commence alors le travail artistique par l’habillage pictural et numérique des photos. Valérie travaille d’abord les fonds un peu plus en gribouillis puis l’expression du visage. Elle les digitalise et passe ensuite à un travail de pixel pour donner cette profondeur où elle agit sur les écrits et les flous. Enfin, elle transfère le produit fini sur du ribord, de la toile ou de l’aluminium. Mais, ce n’est vraiment pas la fin. Valérie revient faire une dernière retouche soit avec de la craie, soit avec de la pastelle sèche et passe un coup de vernis. Chaque photographie devient du coup une pièce unique.
En somme, Valérie Oka, intellectuelle chevronnée, conseiller technique au ministère ivoirien de l’Intégration africaine, est dans la recherche permanente de styles nouveaux, de démarches artistiques nouvelles. Pour Rémy Sagna, directeur du cabinet du ministre sénégalais de l’Intégration africaine, du Nepad et de la Francophonie, Valérie est dans « une démarche pédagogique qui nous permet de revenir en arrière pour nous interroger sur l’apport de ces grands personnages à l’évolution de notre continent ; ce qu’ils ont réalisé de bien et probablement, comme tout être humain, de moins bien aussi et qui permet de voir que la question du leadership évolue en Afrique. »
En effet, Valérie Oka était beaucoup plus connue comme designer. A travers cette exposition de photos, elle montre à l’Afrique et au reste du monde une autre facette de son art. Et elle n’entend pas s’arrêter là. Car, elle projette de créer une galerie d’art contemporain virtuel afin qu’on puisse contempler le contenu de cette galerie de n’importe où.