De son petit nom AHOKPONOU, il est né en 1838 du Roi GLÈLÈ et de Nan ZÈVOTON, Nan DJÈTINSA. Il devient VIDAXO ou prince héritier en 1875 sous le nom de Kondo. Il succède à son père le 1er janvier 1890 sous le nom fort de GBÊHANZIN, tiré de la phrase sacramentelle: « Gbè hin azin aïdjrè », c'est-à-dire « le monde tient l'œuf que la terre désire ».
C'est une magnification du pouvoir danxoméen désiré par beaucoup mais qui ne peut échoir qu'aux princes les plus valeureux, prédestinés par la volonté des ancêtres.
Le prince KONDO jouait dans l'armée de son père le rôle de Gaou, le général en chef. Combattant intrépide, il prit une part décisive dans l'organisation et la conduite des nombreuses campagnes du Roi GLÈLÈ.
Parmi les campagnes menées sous son propre règne, on peut citer surtout celles de Watchi en 1890, Wohomè en 1891 et Agla-Zoumè en 1892.
Mais le nom de GBÊHANZIN est surtout passé dès 1892 à la postérité comme celui du grand résistant à la conquête française. Mêlé de près aux discussions entre son père le Roi GLÈLÈ et les français à propos de la volonté de ces derniers de s'installer à Cotonou, il leur répéta au cours de leurs audiences et dans les correspondances, sa volonté de ne céder un pouce du territoire du Danxomè à des étrangers.
Or, on se trouvait alors au plus fort de la fièvre impérialiste née du développement de la révolution industrielle en Europe. La conquête de territoires Outre-mer était devenue une nécessité vitale pour les grands Etats capitalistes et ils devaient user de tous les moyens pour y parvenir. La France tente de négocier. Par l'entremise du Révérend Père DORGÈRE.
Elle parvient à obtenir deGBÊHANZIN « l'arrangement» du 03 octobre 1890 par lequel le Roi accepte le protectorat de la France sur le royaume frère et adversaire de Porto-Novo et l'installation des français à Cotonou contre redevance.
UNE GUERRE SANGLANTE
Mais très vite, les relations franco-danxoméennes se détériorent. Refusant de s'en tenir au rôle de partenaires commerciaux du Danxomè, les Français empiètent de plus en plus sur les prérogatives politiques et administratives du Roi sur la côte. Ces provocations débouchent sur une « guerre sanglante marquée par d'énormes pertes en vies humaines dans les deux camps ». Sur les instructions du Roi, et sous les ordres de leur Chef dont en tête GAOU GOUTCHILI, le futur Roi AGOLl-AGBO, les soldats du Danxomè se battent avec rage, surtout à Cana où les soldats du Danxomè ont livré de grandes batailles face à l'Armée Française puissamment équipée. Même désarmés et les mains nues, guerriers et amazones affrontent les canons français et s'engagent dans le corps à corps avec l'ennemi.
Mais la supériorité matérielle et la puissance de feu des Français étaient trop grandes. Pour arrêter le martyre de ses soldats et de son peuple,
GBÊHANZIN décide de rencontrer le Général Alfred Amédée DODDS, le Commandant en Chef de la troupe française. Cette rencontre eut lieu le 25 janvier 1894 à GOHO, à l'entrée de la Capitale d'Abomey.
Auparavant, il avait livré à ses combattants et compagnons réunis à Atchérigbé un pathétique message de remerciement, d'exhortation au courage et à la fidélité à HUÉGBADJA, le Fondateur du Danxomè. Dada GBÊHANZIN, en rendant hommage à ses soldats et à leurs chefs Godogbé, Chachabloukou, Godjila, n'a pas oublié de saluer le courage, la bravoure et la détermination des ardentes amazones de l'armée, «qu'enflammait une sainte colère face aux ennemis du Danxomè»,
Leurs indomptables chefs Goudémè, Yéwè et Kétungan faisaient partie des compagnons d'armes du Souverain, qui ont poursuivi les troupes françaises tout autour de Cana. Pour le Roi GBÊHANZIN, « qui chantera désormais les splendides sacrifices de tous ces soldats et de ces amazones? Qui dira leur générosité? ».
LE SOUVERAIN-COURAGE
Pour le Souverain du Danxomè, il n'est pas question de signer un quelconque papier du Général DODDS qui signifierait une quelconque abdication.
Après cette rencontre historique du 25 janvier 1894 à GOHO, le Roi GBÊHANZIN fut déporté le 11 février 1894 à la Martinique, où il arriva avec onze autres personnes, constituant sa suite, le 30 mars 1894.
Jusqu'à sa reddition, GBÊHANZIN croyait pouvoir sauver son trône. Son projet était d'aller à Paris négocier directement la paix et l'amitié avec le Chef d'Etat Français. Le Président SADI CARNOT fit semblant d'accéder à son souhait, avec la complicité et la ruse du Colonel DODDS. Mais c'était pure tromperie. Embarqué donc à Cotonou, le Roi est exilé en Martinique où il vécut du 30 mars 1894 au 02 avril 1906. Face aux nombreuses protestations et sa détermination de rejoindre la terre de ses ancêtres, les autorités françaises acceptaient de le transférer en Algérie où il est resté d'avril à décembre 1906.
GBÊHANZIN meurt le 10 décembre 1906 à Alger à l'âge de 68 ans à 07 heures 30 minutes du matin, autour de ses enfants, dont le Prince OUANILO ARINI BÉHANZIN.
Durant tout son exil, GBÊHANZIN n'a cessé de protester contre cet éloignement forcé de la terre aimée de ses ancêtres, mais les Français craignaient beaucoup que son retour au pays ne galvanisât la résistance à l'administration coloniale.
Ce n'est qu'en 1928, après 22 ans d'attente, que sa dépouille mortelle fut rapatriée au Dahomey (actuel Bénin) et enterrée à Djimè dans son Palais privé, à travers des cérémonies royales à l'image de la grandeur, de la bravoure et du courage du Souverain. Image impérissable qu'il a été et qu'il continue d'être dans le cœur des fils du Danxomè ...
Par Constant AGBIDINOUKOUN GLÈLÈ, Journaliste-Chercheur