Mazoclet Olusegun Toninfo, artiste plasticien, expose une série d’œuvres artistiques dans les Ateliers Coffi, une galerie sise à Cotonou dans le treizième arrondissement, en face d’Atlantique Beach hôtel. Peinture, sculpture, installation, performance font la densité de cette exposition. Mazoclet partage l’espace avec Prince Toffa.
Mazoclet. Le nom sonne pour la première fois dans les oreilles de grand nombre de Béninois. Il n’est pas connu de la masse. Le nom associé à sa profession d’artiste, non plus.
Mais, dans le milieu professionnel, Mazoclet n’est pas si étranger. Il est un jeune créateur d’œuvres d’art contemporain. Il a forgé son talent dans les ateliers de Marius Dansou connu à travers de nombreuses expositions au Bénin et au-delà des frontières nationales.
Mazoclet Olusegun Toninfo se découvre assez tôt un penchant pour l’art et n’entend pas divorcer de cet amour. Bien que titulaire d’une licence en transports et logistiques, il se tourne plutôt vers le transport d’objets usagers comme les matières plastiques, la ferraille, les lambeaux de moustiquaire, les bout de tissu, de jute… Il les transporte de la nature sauvage, des tas d’ordure, de la poussière, des poubelles… pour les transformer, leur donner une autre vie.
Entre autres pièces de Mazoclet dans la galerie des Ateliers Coffi, une série intitulée Cartographie. L’ensemble de la série est composé de diverses couleurs de plastiques coupées en petits ronds et soigneusement colées sur des morceaux de moustiquaire aux dimensions régulières. Le travail suit une démarche géométrique, rythmée et scénarisée autour des peuples africains qui ont intimement en partage des usages sociolinguistiques et culturels.
C’est le cas du Haoussa, langue commune à des populations du Nigeria, du Niger et du Bénin, du Swahili partagé entre la Somalie, la République démocratique du Congo, le Kenya et la Tanzanie, du Malinké, langue parlée au Mali, en Guinée, au Sénégal, en Gambie, en Guinée-Bissau, en Sierra Leone, au Liberia, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et en Mauritanie.
Mazoclet dessine ainsi, sans crayon ni pinceau apparents, les cartes géopolitiques de certains peuples d’Afrique fragmentés lors du partage du continent par les puissances colonialistes.
En effet, c’est à Berlin, de novembre 1884 à février 1885, que des puissances comme la France, la Grande-Bretagne, le Portugal, l’Allemagne… ont procédé à la subdivision de l’Afrique en colonies sans tenir compte des réalités socio-ethniques, linguistiques et culturelles, n’associant ni les peuples ni les rois africains aux discussions.
A la biennale de Dakar en mai 2018, l’artiste franco-ivoirienne Valérie Oka a présenté une exposition titrée ‘’La carte n’est pas le territoire’’. L’œuvre met en lumière, d’une part, une fusion entre le dessin traditionnel au crayon, le digital et la réalité virtuelle et, d’autre part, des figures marquantes de l’Afrique et du monde noir.
C’est une approche que Valérie Oka, décédée en avril 2023, a créée pour interroger les frontières entre l’art traditionnel et l’art numérique, mais surtout entre l’histoire racontée et la vérité historique.
Ce qui croise thématiquement le travail du Béninois Mazoclet qui choisit de reproduire de manière singulière les vraies frontières naturelles des peuples. Et donc, la carte telle que tracée par le colon n’est pas le vrai territoire.
Par exemple, Mogho Naba est le roi des Mossis au Burkina Faso. Il a son palais à Ouagadougou. Pourtant, son royaume s’étend jusque dans le département de l’Atacora au Bénin ainsi que dans une partie du nord du Togo. Des cas similaires existent dans plusieurs autres contrées où les peuples sont divisés du fait de la colonisation.
Ainsi, la série Cartographie de Mazoclet Olusegun Toninfo fonctionne comme un outil esthétique pour déconstruire les systèmes hérités du colonialisme, pour déconstruire les préjugés et renforcer l’unité des peuples africains, et mieux, l’unité de l’Afrique toute entière.
Le style artistique de l’artiste est bien impressionnant, révélateur du fossé creusé par la fougue dominatrice et divisionniste des puissances coloniales. C’est une démarche assez originale empreint d’une littérature plastique relevée. Cependant, Mazoclet n’est pas le premier à recourir à la moustiquaire comme toile de fond pour accoucher du beau.
Depuis 2001, l’artiste Edwige Akplogan travaille avec la moustiquaire pour inclure dans son travail une certaine transparence. Comme elle le dit : « Chacun vit avec un masque soit par hypocrisie ou soit pour se protéger. »
Fortuné SOSSA