Jules Romain Djihounouck, un illuminé de la danse contemporaine, a séduit à Walô Dance Center au Bénin. Il est arrivé de Saint-Louis au Sénégal pour la restitution de la formation en danse organisée par l’association Walô et la fondation hollandaise Le Grand Cru les 19 et 25 mars.
« La voie de l’ange » est le titre du spectacle que Jules Romain Djihounouck a présenté au public le 25 mars. Une création en hommage à son ami et compatriote Al Faruq, slameur, couronné champion du Sénégal voire d’Afrique dans son domaine. Ils bossaient sur plusieurs projets pour de grands exploits.
Al Faruq se préparait pour une compétition mondiale en slam et Jules Romain devait entrer en résidence avec lui pour la circonstance. Mais quarante-huit heures plus tôt, le chorégraphe apprend sur les réseaux sociaux que son ami n’est plus de ce monde.
Il garde en mémoire les derniers mots du slameur à son endroit, mots lâchés juste deux jours avant son décès : « Quand tu auras besoin de moi, je serai toujours là. » Et il est là désormais le champion du slam, inamovible, insaisissable, dans une immatérialité pesante. Il s’est tout simplement métamorphosé en un ange, protecteur par excellence si l’on se refait à la doctrine chrétienne.
Jules Romain est d’ailleurs de la minorité chrétienne du Sénégal et il a choisi d’arpenter ‘’la voie de l’ange’’, son ami dont l’œuvre ne saurait s’estompée, le riche patrimoine lyrique qu’il a constitué pour l’humanité. Ainsi, la douleur de perdre un ami tout le temps joyeux, un ami si proche, si complémentaire l’a poussé à créer ‘’La voie de l’ange’’ afin de lui rendre un vibrant hommage.
Jules Romain parcourt la scène de bout en bout comme à la recherche d’Al Faruq. Il arpente diverses postures, le buste bien relevé pour faire et refaire le deuil de l’ami physiquement absent par l’opacité de la grande faucheuse de la vie, mais spirituellement présent. Il se déploie comme un fauve, tel un lion le regard explorant le lointain pour repérer une proie ou un compagnon. Il s’étire à l’image du cobra se dressant pour dilater une inquiétude.
Jules Romain possède bien la scène. Il est dans son jeu, pour de vrai. Il se recroqueville, pensif, assuré puis confiant comme pour faire exploser la joie inoxydable que continuerait à vivre Al Faruq dans l’au-delà.
Jules Romain Djihounouck est dans la démarche de vaincre la fatalité. Il se dope de la force optimale pour que fleurisse la vie encore et encore. On a le sentiment que l’ami parti est dans la création du jeune chorégraphe, fraichement trentenaire. Il est dans ses mouvements, dans le silence de sa voix, dans la gestuelle alambiquée de son corps. Al Faruq est un ‘’ange’’ et Jules Romain est sur sa ‘’voie’’ pour devenir, à son exemple, un champion du Sénégal, d’Afrique, et pourquoi pas, du monde dans la danse contemporaine.
Fortuné SOSSA