Les danses royales au Bénin sont nombreuses et ont assez de richesse. Elles jouent plusieurs rôles dans les cours royales et ont plusieurs spécificités.
« Il existe des danses qui guérissent des maladies. » Ce témoignage sur les fonctions de la danse est celui de Marcel Zounon, Directeur de l’Ensemble artistique national du Bénin. Il ajoute : « Il y a des danses rituelles, des danses sacrées, des danses que lorsqu’on les exécute de certaines façons, des maladies disparaissent. » Les danses royales ont plusieurs spécificités raconte le Directeur Zounon : « Au nombre des danses qu’on retrouve dans le royaume du Dahomey, on peut citer le Dogba exécuté par les amazones et les princesses pour marquer les heures de repos et pour féliciter les rois après une campagne triomphale, la danse Akonhoun, au départ exécutée par les amazones dans le royaume du Dahomey, qui devient une danse archive par excellence. Du coup, c’est elle qui permet d’archiver toute la panoplie de panégyriques claniques ou panégyriques royales que l’on retrouve dans le royaume du Dahomey ».
Comme l’atteste le Professeur Bienvenu Koudjo « la chanson est l’élément qui dit l’histoire, raconte l’histoire des hommes, leur vécue quotidien, leur environnement, leur perception du monde… » Marcel Zounon illustre : « Avec la danse Akonhoun, les chansons qui accompagnent les battements de poitrine et des gongs relatent toute l’histoire du royaume du Dahomey et toute l’histoire de la dynastie du Dahomey depuis Dako Donou en passant par Houégbadja jusqu’à Agoli-Agbo. » Il va plus loin : « La danse Akonhoun est à l’origine une danse rituelle, une danse vodou qui est devenue une danse archive parce que avec le Akonhoun on essaye de faire l’éloge du roi, du royaume et même des expéditions guerrières du roi voire l’éloge même de la vie quotidienne du roi. »
Toujours dans le royaume du Dahomey il existe d’autres danses vodous qui ont pour fonction de communiquer avec les divinités. Au nombre de ces danses le Directeur Zounon évoque : « Le Linsouhoué est une danse fortement vodou qui permet, dans le royaume, de pouvoir faire la part des hommes, des princes, qui interviennent mais dont le physique prend un coup. Ce sont donc des danses qui permettent de communiquer avec des esprits. »
Loin d’être exclusivement des moyens de communications il y a aussi des danses qui sont exécutées pour préparer l’espace qui va recevoir le roi dans les heures qui vont suivre. L’acteur culturel Marcel Zounon poursuit son récit à cet effet : « Il y a la danse Gblô initié par le roi Tégbéssou dont les danseurs portent une sorte de queue pour danser et ils tournent un peu comme la queue tourne. » Le Roi Tégbéssou avant qu’il n’intervient dans une foule ou une cérémonie, ce sont les danseurs de Gblô qui l’accompagnent et lorsque la sorte de queue qu’ils attachent autour de la hanche tourne comme une circonférence, cela nettoie tout au long de leur expédition les mauvais esprits et toutes les forces négatives qui peuvent entacher la sortie du roi.
Dans le royaume du Dahomey il y a une kyrielle de danses qui s’exécutent non seulement pour faire l’éloge du royaume mais également pour faire le point des données scientifiques et spirituelles que l’on pouvait y retrouver.
Le royaume de Dahomey n’est pas le seul à avoir des danses, il y a aussi d’autres royaumes comme celui de Nikki dans le Nord Bénin.
Spécificités du nord
Dans ce royaume il y a une panoplie de danses qui sont exécutées soit pour introniser le roi, soit pour faire l’éloge de la royauté. Tout cela est accompagné par des instruments qui constituent la spécificité de ces danses. « Dans le royaume de Nikki nous retrouvons la danse Têkê ; c’est une danse des Bariba. Les exécutants portent une coiffe et ils mettent des bandeaux pour fermer complètement leurs yeux à l’image des touaregs. Avec le coup de l’histoire cette danse a été retenue comme la danse princière des Bariba qui permet d’introniser les rois. Elle permet également de faire l’éloge de la royauté à travers des chants au son de flûtes que jouent des griots ; de petits et grands tambours essayent de porter l’histoire de toute la dynastie, l’histoire de la royauté », conte Marcel Zounon.
La danse Têkê a une particularité qui constitue sa puissance et qui la différencie des autres danses exécutées dans ledit royaume. Cela s’observe également au niveau de la façon de s’habiller des danseurs. Le spécialiste des questions culturelles élucide : « Cette danse avant qu’elle ne s’impose comme danse d’intronisation des rois Bariba dans le royaume de Nikki et d’autres royaumes Bariba que l’on retrouve dans le Nord Bénin, c’est des gens qui partent du Bénin vers Tombouctou-Gaou qui traversent tout le désert à la recherche du sel et généralement ils partent sur des chameaux et dans le désert un grand vent souffle et pour se prémunir contre la poussière que soulève le vent, ils attachent leur visage de cette façon. » De retour après trois mois de séjour ils manifestent leur joie en exécutant la danse Têkê.
Toujours dans le Nord Bénin, il a des danses dont l’exécution laisse voir un certain mystère, une spiritualité inédite que regorge la culture béninoise surtout dans nos différents royaumes. Il s’agit de la danse Ourou dans la commune de Bembéréké à Gamia. « La danse Ourou est une danse fortement culturelle qu’on ne présente pas n’importe comment. Il y a dans le royaume des Bariba cette danse qui parfois pour la démonstration les danseurs sèment une graine de maïs qui poussent et qu’ils récoltent, préparent et mangent les moments qui vont suivre », décrit le Directeur de l’Ensemble Artistique Nationale du Bénin.
Dans le Sud-Est du Bénin précisément dans le royaume de Kétou plusieurs danses sont exécutées. Tout comme les autres danses, elles ont également des particularités. Marcel Zounon affirme avec insistance : « La danse Iwé dans le royaume de Kétou permet de faire non seulement l’histoire du pays mais également de montrer la puissance de cette danse. Elle se fait en tondant et en retondant le corps au son de ses tambours en allant devant, en reculant et vice versa. » Il poursuit : « Dans ce même royaume vous retrouverez la danse des masques Guèlèdè qui sont la société traditionnelle au dessus de laquelle il y a une femme, dénommée la grande femme. Nous avons aussi la danse Bata qui est une danse entretenue par un instrument de musique qui aujourd’hui est en voie de disparition mais que l’on retrouve du côté des Caraïbes et dans les Antilles surtout en Amérique latine. L’instrument Bata est intime des pas de danse qui annoncent la sortie des revenants communément appelé Egungun ».
Similitudes
A l’image des danses royales d’Abomey il y a des similitudes à travers le Bénin dans la mesure où la philosophie qui inspire les cours royales est la même. Cette similitude s’observe à plusieurs niveaux comme la sélection des danseurs, les thèmes abordés et au niveau des rapports entre les cérémonies rituelles des cours royales et les danses. « Chaque roi du Dahomey en particulier et du Bénin en générale célèbre des choses pour rendre hommage aux défunts parce qu’ils ont une croyance très forte en leur présence », révèle le Professeur Albert Akoha.
A l’instar des danses royales, les chants jouent un rôle très important dans la perpétuation de nos cultures et traditions. Ils sont des archives vivantes de tout ce que le royaume a vécu comme expérience. « Dans le royaume d’Abomey particulièrement à chaque année, il y a une cérémonie d’hommage aux ancêtres et lors de cette cérémonie, obligation est faite à l’orchestre de la cours de chanter une série de chanson obligatoirement. Ce qui les oblige à les apprendre et à ne jamais oublier. A Gbindo, dans la cours du roi Agoli-Agbo, c’est quarante et une chansons qui relatent l’histoire du Dahomey et chaque roi a ses hauts et faits qui sont manifestés dans ces chansons », laisse entendre le Professeur Albert Akoha.
Dodjivi Emmanuel Amoussou