Amertume, joie, révolte, tristesse, assurance… d’émotions fortes que communique l’exposition ‘’Voix des migrants béninois’’ qu’organise la fondation Friedrich Ebert au centre culturel Artisttik Africa au quartier Agla les Pylônes à Cotonou. Des portraits bien documentés d’aventuriers béninois qui méritent d’être vus.
Partir ou rester ? Hamed a une réponse prompte : partir. Agé de 26 ans, ce ressortissant de Djougou, ville située à 500km au nord de Cotonou, n’espère rien de sa localité. Elle ne lui offre aucune chance d’emploi, aucun débouché ; pas même le moindre espoir, selon ses propres mots.
En désespoir de cause, il goûte aux délices de l’émigration. Sa destination, la Libye. Une aventure jonchée de ronces et d’épines. Une vie arpentée de fissures et de blessures béantes avec une toute petite certitude. Hamed reste accroché à cette toute petite certitude. Il veut tenter l’aventure à nouveau. Dans quelques semaines il compte retourner en Libye. Il compte sur Dieu ou la providence pour ne pas y laisser la vie comme certains migrants avec qui il a fait la première aventure libyenne.
Des histoires comme celle-là font la matrice de cette exposition d’art photographique au centre culturel Artisttik Africa. Quatorze migrants photographiés, quatorze migrants béninois qui racontent leurs aventures mais surtout leurs mésaventures de migrants dans des pays du Maghreb, d’Europe et d’ailleurs. Des portraits développés en haute définition accompagnés du résumé de la vie de chaque sujet.
Le projet est une initiative de la Friedrich Ebert Stiftung (Fes). Une organisation allemande à but non lucratif fondée en 1925 et financée par le gouvernement fédéral. La représentation résidente de cette fondation a commis deux journalistes béninois, Vincent Aguè et Léonce Gamaï, appuyés du photographe Fréjus Fiossi, pour aller dénicher des migrants béninois afin de recueillir leurs histoires. Cela s’est fait en 2019. Du coup, la moisson a été abondante et de dix portraits à réaliser, ils en sont arrivés à quatorze.
La particularité de ce travail est qu’il révèle que bien de Béninois désertent le pays pour aller à la recherche du bonheur sous d’autres cieux. Ils partent souvent dans la clandestinité comme on en apprend sur de nombreux jeunes d’autres pays africains notamment les sahéliens. Comme eux, ils connaissent les désastres du désert, le déchaînement des vagues des eaux marines, la chasse à l’homme, la traitrise, la misère… la mort.
Mais il y a aussi ceux qui partent dans les règles de l’art. ceux qui font tous leurs papiers avant de quitter le Bénin soit pour des études soit pour des emplois, etc. Pour eux non plus, l’eldorado n’est pas toujours sans piquants. Puis, l’autre versant est que, malgré les difficultés, un migrant peut arriver à économiser de l’argent qu’il envoie périodiquement au pays pour préparer son retour définitif et que dès son arrivée, il découvre que tout l’argent qu’il envoyait ne servait qu’à alimenter le receveur au pays.
Le vernissage de l’exposition a eu lieu dans l’après-midi du vendredi 11 juin 2021 dans la galerie du somptueux centre culturel. En prélude à ce vernissage, une causerie débat a été organisée par la Friedrich Ebert Stiftung avec certains des migrants sous la conduite de la journaliste Rachidath Oussou. Un ouvrage intitulé ‘’Voix des migrants béninois’’ vient appuyer cette exposition d’art photographique. Le livre de 54 pages en format A4 contient les différents portraits journalistiques réalisés par Vincent Aguè et Léonce Gamaï précédés de la préface du Représentant résident de la Fes au Bénin, docteur Hans-Joachim Preuss.
Fortuné SOSSA