Opérateur économique prospère, chanceux, milliardaire, richissime, opulent… tous les qualificatifs du bonheur ne suffiraient pas pour qualifier Désiré Vodonou. Il est un modèle de réussite qui avait déjà de « l’argent avant d’entrer en politique ».
Titulaire d’une Maîtrise en Science juridique en 1988, Désiré Vodonou s’oriente tout d’abord vers la vacation dans les établissements secondaires Sainte Rita et Houéyiho. Comme rémunération : sardine, semoule et autres produits consommables tel un système de troc. A la seule différence que c’est le prix des efforts intellectuels mis au profit des apprenants des collèges. Tombé dans l’engrenage d’une situation très douloureuse, à la limite de l’insupportable, il se dope très rapidement de courage et détermination pour s’orienter autrement dans la vie active. Fini le statut de professeur vacataire. Fini ce ‘’sacerdoce misérabiliste’’.
Désiré Vodonou décide de se tourner vers les affaires. Togo, France, Australie, Etats-Unis, Canada puis le reste du monde. Du projet d’achat et revente d’huile de palme, le destin le fera rencontrer un richissime saoudien, spécialisé dans le trafic de l’or. Heureux destin, élément déclencheur d’une ascension fulgurante qui le propulse assez tôt dans la haute bourgeoisie. « En 1997, je suis rentré au pays avec 50 milliards sur mon compte à Eco Bank », précise-t-il au club de la presse Café Médias Plus du vendredi 29 janvier 2021. L’étendue de la fortune de Désiré est si immense qu’il possédait même un avion personnel, un Jet privé. « La chance ne sourit qu’aux esprits avertis » est son leitmotiv.
Lourd tribut
Député à l’Assemblée nationale de 2007 à 2011, Désiré Vodonou se montre « opposant farouche » au régime du Nouveau départ. « Je disposais de 46 signatures au Parlement et pour disjoncter les lois, c’est moi qui désignais les députés devant participer au vote parmi les 46. » Alors, il est traité d’arnaqueur, receleur, bandit de grand chemin et tous autres qualificatifs déshonorants et avilissants. Il est devenu un homme à abattre ou à défaut, à ramener au dessous du seuil de la prospérité. Du coup le régime d’alors lui colle un motif fallacieux à l’effet de lui retirer ses droits civiques. Pour lui enfoncer ce poignard dans le dos, la Cour constitutionnelle est mise à contribution. Elle sort la « triste décision » dans la nuit du 13 avril 2011, à quelques jours d’une nouvelle élection législative pour laquelle il était candidat. Donc, il fallait l’empêcher d’être à nouveau député parce que candidat, il sera plébiscité par les électeurs. Le Président de la République qui venait d’être réélu par un KO extraordinaire en était conscient. Donc, pas question de le laisser retourner au Parlement pour organiser à nouveau la disjonction des lois.
Aux dires de Désiré Vodonou, des amis politiques sont allés le voir aussitôt après la décision de la Cour pour lui proposer de s’exiler du pays. Un véhicule officiel a même été dépêché à son domicile pour l’aider à traverser la frontière sans gêne. Mais à toutes ces propositions, le déchu des droits civiques a opposé un refus catégorique, ne s’accusant d’aucune faute qui autoriserait « à vie » de lui « interdire d’être citoyen béninois » alors qu’il n’est pas mort.
Mais comme si cela ne suffisait pas, il sera poursuivi et mis en prison. En désespoir de cause, n’ayant trouvé aucune faute avérée pour confisquer sa liberté également à vie, il est relâché au bout de 36 mois. Malgré cela, l’opposant farouche qu’il était au régime ne s’était point estompé. Ses prises de positions, surtout son courage à combattre le système mis en place donnait toujours de l’insomnie au chef de l’Etat.
Citoyen de nouveau
« J’ai introduit une dizaine de recours contre la décision de la Cour. » Désiré Vodonou n’a pas choisi de se terrer suite au coup dur que la Cour constitutionnelle lui a assené le 13 avril 2011. Juriste de formation, assisté également par d’excellents praticiens du Droit dont des constitutionnalistes, il n’a pas baissé les bras. Par ailleurs, ‘’l’animal politique’’ qu’il est s’est davantage renforcé. Il a multiplié ses contacts aux côtés des populations, de même que dans les états-majors de certains couvents politiques. « J’ai toujours continué le combat politique malgré tout », insiste-t-il.
En effet, entré en politique en 1989, Désiré Vodonou est resté collé à son idéal d’homme à l’écoute et au service du peuple. Ce qui ne l’a pas empêché non plus de prospérer dans les affaires. Le tout mis ensemble l’a très vite hissé au rang de leader, rassembleur, commandeur « grand bailleur de fonds en politique ».
Depuis le 29 février 2020, il a fait son entrée officielle au Bloc républicain (BR). Il a fait donc son adhésion à la mouvance présidentielle actuelle et ainsi s’engage officiellement aux côtés du Président Patrice Talon. Un choix qu’il justifie avec beaucoup d’aisance.
Dans le même temps, il a continué le combat juridique pour récupérer sa citoyenneté. Alors un recours qu’il a introduit à la Cour en juin 2020 solde par un aboutissement heureux le 7 janvier 2021. Ainsi, Désiré Vodonou devient à nouveau citoyen béninois à part entière. Il peut à nouveau être éligible à toute fonction de la République du Bénin, électorale ou par nomination.
Invité à refaire les formalités pour le retour de ses données personnelles dans le fichier électoral, il constate que lesdites données (digitales et autres) n’ont jamais été sorties du fichier malgré la décision de la Cour constitutionnelle du 13 avril 2011 consacrant le retrait de son statut de citoyen.
Ainsi, « sorti de la politique comme un malpropre » sous la Cour de Maître Robert Dossou, Désiré Vodonou recouvre à nouveau l’intégralité de ses droits civiques sous la Cour de Maître Joseph Djogbénou parce que constitutionnellement, « l’être humain est inviolable ».
Fortuné SOSSA
Photo : Thierry AZAGBA