Charbel Coffi Houadjèto du Bénin et Dodji Efoui du Togo présentent de nouvelles créations dans les Ateliers Coffi à Cotonou. Sous le thème "Eclats d’âmes, regards croisés", les deux créateurs du beau questionnent, chacun dans son style, les fractures de la société humaine surtout africaine.
Dans ce croisement des regards par un hasard qui décide de les unir autour de la matière, Charbel Coffi et Dodji Efoui partent sur une base assez circoncise et précise tel le scénario d’un documentaire télévisuel. Questionner par l’image l’humanité sur la perte des valeurs sociétales, socle fondamental du vivre-ensemble, du vivre en parfaite harmonie avec la nature.
Ils utilisent les mêmes matériaux ou presque : contre-plaqué, morceaux de fer, toile, ciment blanc, acrylique, colle, latérite… Tout un tas d’éléments de peinture et d’objets récupérés dans la nature pour créer des portraits, des paysages, des scènes de vie, des masques en somme.
Alors que Dodji Efoui évolue beaucoup plus dans des portraits de gens de sa famille pour interroger les contrastes et contraintes de la nature humaine, Charbel Coffi Houadjèto s’imbrique dans une dimension plus large. Dans sa démarche artistique, il soulève des problématiques relatives aux progrès technologiques, l’incidence sur l’environnement et les croyances diverses.
Les œuvres de Charbel Coffi, tout comme celles de Dodji Efoui, s’élèvent alors comme un discours coloré sur les crises identitaires, la perte de confiance en soi et en l’autre, les frasques de la mégalomanie. C’est comme si chaque être humain porte un ou plusieurs masques sur son visage, dans son être intérieur.
Cette quête de l’identité se ressent encore plus dans l’art contemporain africain. C’est ce que révèlent les créations des artistes dans leurs grandes majorités.
A ce propos, l’historien de l’art Didier Houénoudé écrit : « Il est certain que l’on ne peut totalement exclure la logique identitaire du travail de nombreux artistes africains, mais pour certains, le débat autour de l’identité est futile, tant sont nombreux les malentendus et les sous-entendus qu’il génère. »
Mais au-delà de cette quête de l’identité, chaque artiste s’annonce et s’impose avec son style. Au Bénin, Charbel Coffi imprime petitement sa marque. Il écrit son histoire déjà avec une ouverture sur le monde. Sa constance dans le discours pictural est un engagement pointu qui vise la sauvegarde de l’environnement.
Certes, depuis quelques années, des conférences, des forums, des sommets sont organisés sur le climat, la culture permanente de bonnes mœurs… mais aucune amélioration sensible et perceptible dans les comportements.
C’est comme si les cris des organisations de la société civile ne sont pas écoutés, les travaux des artistes comme Charbel Coffi ne sont point regardés, analysés et internalisés.
Mais, par pédagogie, la sensibilisation doit se poursuivre de diverses manières, sous diverses formes et sur divers format. Cela appelle à davantage d’inspiration, d’innovation, de création artistique voire en séries comme Toussaint Charbel Coffi Houadjèto en a le secret dans une démarche artistique cohérente.
Dans cette démarche artistique, il collecte, trie et utilise les matériaux récupérés de façon à créer des œuvres intemporelles et non éphémères.
L’esthétique et la plasticité de son travail échappent ainsi à des qualificatifs comme « subterfuge d’exotisme » employé par Joëlle Busca, critique et commissaire d’exposition, auteure de plusieurs publications sur l’art contemporain africain.
Elle écrit d’ailleurs : « Etablir certains matériaux en spécifique en Afrique (le pigment, l’ocre, le sable, le tapa, le textile, le bois récupéré, le cauri […] relève de l’anthropologie culturelle, du primitivisme […] ».
Somme toute, l’exposition "Éclats d’âmes, regards croisés" de Charbel Coffi et Dodji Efoui, du 24 novembre 2023 au 24 janvier 2024 à la galerie des Ateliers Coffi, « transcende un monde où tout parait crucifié sur la croix de la religion et abandonné sur l’autoroute de la modernité, pour nous inciter à un réveil collectif », commente la curatrice Dénadi Carole Sagbo.
Fortuné SOSSA