Acteur culturel majeur, membre du Bureau directeur du Conseil économique et social, Claude Balogoun exprime sa fierté de voir se concrétiser une des actions phares du Président de la République dans le cadre de la mise en œuvre d’un Bénin touristique économiquement fort et attractif. Il est très optimiste. Interview.
La Marche Républicaine : Le Bénin accueille vingt-six de ses trésors royaux pillés par la France. En tant que Béninois, qu’est-ce que ça vous fait de savoir que ces œuvres, arrachées au pays il y a plus d’un siècle, font le chemin retour vers leur terre d’origine ?
Claude Balogoun : C’est une fierté ! Une fierté pour moi en tant que citoyen de pouvoir bomber ma poitrine pour dire en face du monde que le Président actuel du Bénin, le Président Patrice Talon a vu juste. Il a vu juste en ce sens que lorsqu’il est arrivé au pouvoir, il a déclaré qu’il fera du tourisme le deuxième pilier de l’économie de notre pays après l’agriculture. Plus d’une personne se sont demandées : « Mais sur quoi compte-t-il ? »
De la même manière, il a annoncé, à travers sa volonté politique, de faire du vodou un patrimoine vendable, commercialisable. Un patrimoine qu’on pourrait mettre en valeur. Ce sont ces deux manifestations de sa volonté politique qui se résument à ce que nous vivons en ce moment.
Depuis longtemps des gens ont lutté, ont fait du lobbying pour que le patrimoine du Bénin qui se retrouve hors du pays puisse revenir et cela n’a jamais marché. Mais dès l’arrivée du Chef de l’Etat, il a mis en place une équipe dynamique forte, une équipe de connaisseurs pour faire le travail. Et cela a marché.
Je suis donc fier aujourd’hui que le retour des vingt-six œuvres constituent l’élément autour duquel tous les médias du monde, tous les artistes du monde et tous les diplomates du monde focalisent leur attention, et même, s’emploient à célébrer. Il y a eu des restitutions d’œuvres à d’autres pays mais cela n’a pas connu autant de ferveur, encore moins, de manifestations et d’activités.
La France a volé au Bénin des milliers d’œuvres très précieuses. Pour l’heure, elle nous restitue juste vingt-six. Etait-ce nécessaire ce grand tapage autour des vingt-six œuvres ?
Il est vrai que nous célébrons ainsi vingt-six œuvres sur les milliers que la France et certainement d’autres Nations du monde nous ont arraché. Mais ce ne sont pas des œuvres anodines ! Ce sont des œuvres particulières qui ont appartenu à un roi spécifique, à un royaume spécifique, à un terroir spécifique. Ce sont des œuvres qui sont parties depuis plus de cent trente ans qui sont en train de revenir. Ce sont des œuvres qui ont une âme spirituelle de haute portée.
Outre la partie artisanale de création de certaines de ces œuvres, outre la partie symbolique qui représente la force créatrice des artisans d’alors, il y a certaines œuvres qui avaient une spiritualité forte. Ces œuvres ont été dessouchée et amenée en Europe. Elles ont été surement souillées par des mains inappropriées, désacralisées et maintenant commercialisées pendant de longues années. Du coup, elles reviennent sur leur terroir et nous savons que le principe actif va se remettre, d’une certaine manière, en route. Les œuvres vont acquérir davantage toutes les forces qui les incarnaient à l’époque.
Etes-vous convaincu que le public sortira massivement pour aller au contact des œuvres ?
C’est une évidence ! Ces œuvres ont été étudiées dans les musées européens. Elles ont été visitées, regardées par les universitaires. Désormais les étudiants en patrimoine, en art au Bénin, ne seront plus obligés d’aller en Europe formuler des demandes pour des travaux sur elles. Cela va se faire sur place, chez nous au Bénin.
Nous savons que dès que ces œuvres vont arriver, les Béninois iront les voir. Nous aurons même la possibilité d’aller les regarder à la Présidence de la République, un endroit très mythique. Regarder les œuvres dans ce cadre majestueux, c’est vraiment magique. Les œuvres seront ensuite à Ouidah, au Fort portugais, avant d’atterrir définitivement dans le musée qui leur sera dédié à Abomey. Les rois ont été appelé certainement pour les accueillir.
Peut-on conclure par ce retour de ces trésors royaux que c’est désormais le décollage du boom touristique au Bénin ?
Je pense qu’en dehors du parc de la Penjari qui a été lancé dans la dynamique volontariste du Chef de l’Etat par rapport au tourisme, c’est le deuxième événement fort qui est en train d’être lancé et qui acte le tourisme d’une manière parfaite. Il permettra désormais de voir plein de touristes descendre au Bénin pour regarder les œuvres. Donc le Chef de l’Etat, en annonçant qu’il fera du tourisme le deuxième levier de développement du Bénin, est en train de mettre en œuvre tout ce qu’il faut pour cela.
Les Béninois descendants d’autres contrées royales du Bénin se désolent que ce soit seulement des œuvres du royaume d’Abomey qui constituent les vingt-six trésors en question. Que pensez-vous de cela ?
Il faut bien commencer quelque part. Le lobby autour du roi Béhanzin était un lobby spécifique qui se mettait en place. Mais ce lobby va certainement déclencher d’autres types de lobby qui vont faire venir d’autres œuvres. Il ne faut même pas se gêner. Ce n’est pas forcément le président actuel qui le fera. C’est un mouvement d’ensemble dans toute l’Afrique.
Propos recueillis par Fortuné SOSSA