L’anthologie de la musique béninoise, est-ce un projet bien conçu, élaboré avec dextérité ou entaché d’amateurisme ? Eléments de réponse.
Je retiens que le coffret ‘’Anthologie de la musique béninoise’’ est « une idée du ministre Jean-Michel Abimbola » selon les affirmations de la Conseillère technique aux arts, Mme Carole Borna lors de la cérémonie du lancement le vendredi 29 janvier 2021 au palais des Congrès. Le ministre « a voulu d’une compilation des morceaux les plus emblématiques, les plus écoutés, les plus demandés par le public béninois ». Ce sont « des morceaux qui nous ont fait danser, qui nous ont fait chanter, qui nous ont fait rêver », poursuit la Conseillère technique. « Des morceaux qui racontent l’histoire de ce Bénin que nous aimons tant. Qui racontent l’histoire de ses filles et fils, qui racontent les peines, les joies, les moments forts de notre cher pays. »
De ce qui ressort des explications de la conseillère Borna, appuyé de son collègue en charge de la culture, Florent Couao-Zotti ainsi que du Ministre Jean-Michel Abimbola en personne, le coffret est un chef-d’œuvre de 63 chansons extraits de supports musicaux divers de 53 artistes et groupes d’artistes musiciens. Un comité ‘’d’experts’’ composés essentiellement des membres du cabinet du ministre élargi à quelques directeurs techniques a travaillé à la réalisation de l’œuvre en commençant par la recherche et sélection des morceaux, se fondant sur « la qualité de la mélodie, la réceptivité de l’œuvre, sa transversalité dans le temps, l’aura de l’artiste dans le paysage béninois ». Ainsi, l’anthologie de la musique béninoise a été cuisinée sur les fourneaux du Ministère du tourisme, de la culture et des arts.
Observations
A la soirée du lancement de l’anthologie, j’ai noté des applaudissements bien nourris. Normal ! le Bénin s’honore d’une anthologie musicale pour la première fois. Certains morceaux ont été joués sur place pour donner au public un aperçu du contenu phonographique de l’œuvre. La fête a été d’ailleurs bien agrémentée en sons et lumières.
Cependant, à l’analyse, l’œuvre s’apparente à du remplissage. Il est vrai que littéralement, l’anthologie est un recueil de morceaux choisis. Mais, une anthologie décidée au nom de la Nation mérite d’être confectionnée avec plus de soin et rigueur et surtout, dans une démarche thématique soutenue.
Quand on observe la carte historique du Bénin des indépendances à ce jour, on note trois grandes périodes. La période de 1960 à 1972, celle de 1972 à 1990 puis la dernière de 1990 à nos jours. L’anthologie pouvait s’articuler autour de ce découpage historique. Ainsi, ce qui vient d’être produit aurait pu être le tome 1 ou volume 1 ou encore coffret 1 (peu importe le nom qu’on lui attribue) et consacré exclusivement à une sélection rigoureuse des meilleures créations musicales béninoises de la première période. Ainsi le tome 2 suivra après pour être consacré aux excellentes productions de la deuxième période. Bien plus tard, un volume 3 relatif aux productions qualitatives de 1990 à aujourd’hui.
Une autre possibilité est de consacrer l’anthologie n° 1 à des mélodies immortelles, des produits d’anciennes gloires de la musique béninoise. Cette période pourrait aller de 1960 (et même avant) jusqu’en 1990. Du coup, le coffret n° 2 prendra en compte des créations de qualité de 1990 à nos jours. Une autre possibilité également serait de procéder par thématique sociale : par exemple, des chansons philosophiques, des chansons sur des faits glorieux dans le pays, des chansons d’amour, des chansons sur l’éducation civique, des chansons militantes, des chansons sur la sensibilisation de la couche juvénile contre diverses dérives, etc.
Autre constat, la documentation sur la biographie des artistes figurant sur le coffret souffre de beaucoup d’imprécisions, notamment par rapport à des dates de naissance et de décès chez certains. A part les artistes nés vers, les renseignements biographiques doivent être précis sur le jour, la date et l’année de naissance ; davantage pour les artistes déjà décédés.
Ce que je ne comprends surtout pas, c’est le fait que les membres du cabinet du ministre se substituent aux experts à commettre à un tel travail. Car, ce ne sont pas les compétences qui manquent dans le pays voire dans la diaspora. Le ministère aurait pu procéder à un appel à experts de la chaîne de production de l’œuvre musicale.
Même si les membres du cabinet se sentent capables de faire le job, ce n’est pas évident qu’ils produisent un résultat édifiant. Ils ont déjà de nombreuses tâches administratives qui limitent leur efficacité en de pareille circonstance. Ils sont d’ailleurs tout le temps en réunion de cabinet pour penser ci, pour statuer sur ça. Ce n’est pas évident que l’on attende mieux d’eux. Ce ne peut pas être rassurant que représentants l’Etat, ils se transforment en experts, techniciens, superviseurs et tout le reste à la fois. C’est contre productif.
Fortuné SOSSA